La gorge du saut du tigre est un canyon traversé par le fleuve Yangzi, à une quarantaine de kilomètre à vol d’oiseau au nord ouest de Lijiang, un peu moins de 90 km par la route. D’une longueur d’environ 18 km, elle est encadrée par deux massifs montagneux avec le mont Haba au nord ouest à 5 396 m et le mont Yulong au sud est à 5 596 m. Elle fait partie des plus profonds canyons avec rivières au monde (si ce n’est la plus profonde) avec plus de 2 000 mètres de parois par endroits. Elle est divisée en 3 tronçons, la gorge supérieure, la médium et l’inférieure. Elle mesure 30 mètres de large à son point le plus étroit, dans la partie supérieure. Selon la légende, un tigre aurait sauté d’un rocher à cet endroit pour traverser la rivière et échapper à un chasseur. D’où son nom. Elle possède un dénivelé d’environ 300 m avec 18 rapides. Une randonnée est possible au dessus de la gorge. Très connue, elle est très fréquentée en haute saison touristique. Évidemment, tourisme oblige, une route longe la gorge par le bas et permet d’accéder aux différents points d’intérêts par bus ou voiture. On peut aussi la parcourir à pied si la randonnée haute ne nous tente pas.
Quiatou
J’avais décidé de faire la randonnée haute en deux jours. Le point de départ était Quiatou, un village près de l’entrée de la gorge. Ce village possède également un autre nom : Hutiaoxia. Ce qui a posé un petit problème pour ma recherche d’auberge… D’ailleurs, les noms locaux et les noms sur les cartes différaient assez souvent. Je ne voulais pas faire le trek en partant de Lijiang, pour éviter de perdre près de 2 h dans la 1ère journée. J’avais donc pris le bus, la veille. J’aurai pu partir l’après midi mais vu que Lijiang ne m’intéressait pas vraiment, je suis parti le matin, histoire de ma balader un peu aux alentours de Quiatou avant d’attaquer la randonnée. J’avais un ticket à 44 Y pour un bus à 9 h 30 et je suis parti de l’auberge vers 8 h 50. J’ai failli rater le départ. Il n’y avait personne à l’accueil pour mon check out. J’ai fini par trouver un gosse d’environ 5 ans qui est allé chercher une femme qui a pu s’occuper de mon départ. La gare routière n’était pas très loin mais je voyais le temps filer et je ne le sentais pas. Dans le bus parti à l’heure, j’étais au 1 rang, à côté d’un Chinois et une famille allemande derrière moi. Avec un arrêt ravitaillement en cours de route, j’ai atteint Quiatou vers 11 h. Le bus avait été arrêté un peu plus loin dans le village, au niveau d’un gros bâtiment. Une personne est entré pour encaisser le prix d’entrée à la gorge à 45 Y. Au début, je n’avais pas compris, je pensais que c’était plus loin. Ce fut un des membres de la famille allemande qui parlait chinois qui m’expliqua. Vu que personne ne descendait, je n’avais pas non plus compris que j’étais arrivé. En fait, tous les autres allaient à la gorge en bus. Je suis donc descendu et j’ai fait un tour dans le village.
Pas très grand, Quiatou était traversé par une rivière qui rejoignait le fleuve quelques kilomètres plus loin, au sud. Il y avait énormément de travaux dans la ville et l’eau de la rivière était marron de boue et de débris des travaux (l’écologie n’était pas une priorité). Il y avait également énormément de trafic sur l’unique rue principale donc je ne me suis pas vraiment attardé dans le village. J’ai parcouru la route le long de la gorge en reconnaissance jusqu’à une espèce d’office de tourisme qui vendait l’entrée pour l’accès à la gorge. Chose que je n’ai pas vraiment compris vu que les bus étaient obligatoirement arrêté à Quiatou pour la même chose… Bref, j’ai fait demi tour (ce n’était pas mon objectif de la journée). La ballade n’était pas vraiment agréable, le confluent entre la rivière et le fleuve étant également en travaux d’aménagement (enfin… je crois que c’était pour de l’aménagement), les eaux étaient vraiment dégueulasses. Après la sortie du village, il y avait un guichet avec une contrôleuse qui vérifiait les tickets. J’en ai profité pour lui demander s’il y avait un horaire d’ouverture pour la randonnée. Il n’y en avait pas.
J’avais réservé une chambre en dortoir dans à la Jane’s tibetain guesthouse, une auberge à la sortie du village, peu avant le début de la randonnée. J’avais pu réserver une chambre via Hostelworld, les autres ne la proposant pas. Hostelworld, l’application avec laquelle j’avais eu quelques problèmes en Russie. Tu la sens l’embrouille ? Évidemment, il y a eu un gros problème. Une affiche en anglais s’excusait de leur fermeture du 30 janvier au 22 février. On était le 17 mars donc je pensais que c’était bon. Je suis donc entré et je suis arrivé dans une cour assez mignonne avec le comptoir d’accueil sur un patio qui la surplombait. J’ai attendu près de 2 h, personne ou quasiment, j’avais aperçu une personne qui visiblement ne faisait pas partie du personnel. En me voyant avec mon sac, elle n’avait eu aucune réaction. Finalement, j’ai fini par toquer à une chambre où j’entendais du bruit et le Chinois à l’intérieur m’a expliqué que l’auberge était fermée. Ils étaient juste quelques locaux qui “squattaient” quelques chambres en accord avec le propriétaire. Hostelworld avait mis en ligne des chambres pour une auberge fermée ! Du coup, je lui ai expliqué mon problème. Il a contacté le propriétaire à qui j’ai donné une copie de ma réservation. Il avait été relativement surpris. Je lui ai quand même expliqué que son mot sur la porte d’entrée précisait du 30 janvier au 22 février et qu’on était en mars… Mais bon, vu que j’étais de bonne foi, il a accepté que je reste. Moyennant le règlement de la chambre, en plein tarif. J’ai trouvé ça un peu abusé. Vu que c’était fermé, aucun service n’était disponible, ce qui était logique, dont la salle de cuisine commune. Donc, il aurait pu me faire une petite ristourne. Quant à Hostelworld, j’avais évidemment gueulé et leur réponse avait été laconique : “Ce sont les établissements qui gèrent leur disponibilité ainsi que leur prix. Nous allons contacter l’auberge pour comprendre ce qui est arrivé”. Et silence radio. En clair : on s’en fout, ce n’est pas notre problème. Le Chinois sur place m’a ouvert une chambre avec une dizaines de lits ainsi qu’une couverture qui ne m’a pas semblé très propre. De base, la chambre n’était pas top niveau propreté. Ce fut quasiment la seule nuit où j’ai utilisé mon drap de soie. Les wc étaient dehors dans la cour ainsi que la douche, sans porte. En été, je pense que ça ne posait pas de problème mais en mars, le soir et le matin, ça pelait un peu. A ma demande, il m’a aussi donné une bouilloire rouillée pleine de poussières qui avait visiblement passé tout l’hiver dans une remise. La cuisine commune n’étant pas disponible, je n’avais que le robinet de la cour avec un tuyau d’arrosage pour avoir de l’eau.
Je suis retourné au village pour faire quelques courses pour le soir et le lendemain (nouilles instantanées, fruits secs et 2 coca en 500 ml – comme tu le verras plus tard, j’étais inspiré pour le coca -) mais je devais passer devant le bâtiment où le bus avait été stoppé. Un gardien a vérifié que j’avais bien mon ticket pour la gorge. A mon retour de courses, il n’a pas été débile et il m’a laissé passer sans vérifier. Avec d’autres, c’est sûr que j’aurai été à nouveau contrôlé. Après avoir nettoyé la bouilloire comme j’ai pu, j’ai fait bouillir l’eau plusieurs fois histoire de la pasteuriser. J’ai ensuite pris mon repas assez frugale de nouilles instantanées accompagnées de thé et j’ai passé la soirée dans ma chambre. Heureusement, j’avais de la data donc je me suis regardé quelques films sur mon téléphone. J’en ai profité aussi pour le recharger ainsi que les batteries de mon appareil photo et mon casque. Sauf qu’il y a eu une panne de courant vers 21 h 30 et l’électricité a été rétablie vers 1 h du matin…
Randonnée de la gorge du saut du tigre
Après une nuit sans trop de problème, j’ai quitté l’auberge vers 7 h. Vu qu’il faisait trop froid, je n’avais pas pris de douche, je m’étais servi des lingettes qui me restaient du transsibérien. La bouilloire et l’eau, malgré que je l’ai eu bouillie plusieurs fois, ont eu un effet assez désagréable mais classique : diarrhée… Pourquoi faire une randonnée de 2 jours dans des conditions normales ? Rajoutons un handicap ! Au tout début de la route, un panneau en chinois et en anglais précisait que la randonnée n’était pas facile, qu’elle pouvait être dangereuse et qu’on la faisait à nos risques et périls. Spoil, effectivement, il y avait des passages relativement chauds mais dans l’ensemble, elle n’était pas si dangereuse que ça. De toute façon, avec mon vertige, je n’allais pas vers les bords non plus. Le début du trek suivait une petite route donc ça allait. En revanche, j’avais réussi à louper l’entrée du chemin montant dans la montagne. J’avais dépassé le point depuis environ 20 mn avant que je me rende compte. J’ai donc du faire demi tour. Pour ma défense, l’accès n’était pas évident : c’était entre un grillage et une maison et moyennement indiqué par un petit panneau à fond bleu à moitié défoncé… D’ailleurs, petite astuce pour cette partie : il faut suivre les petits panneaux à fond bleu.
La montée n’était pas trop difficile (pas facile non plus, il y avait des passages relativement raides) et une cabane se trouvait un peu plus loin dans la forêt. Il n’y avait personne, c’était trop tôt, mais j’ai croisé peu après une vieille qui venait du village suivant avec une cargaison de bouteilles d’eau. Elle rejoignait la cabane qui servait de point de vente d’eau pour les randonneurs. J’ai ensuite rejoint le village Changsheng qui était le premier vrai point de repère de la randonnée. De là, le chemin remontait et il y avait des parties assez escarpées où mon vertige n’aidait vraiment pas. J’avais vu sur le plan qu’il y avait un passage très redouté après ce village : les 28 virages. Apparemment, c’était une série de virages très raides et assez difficiles à monter. Bon, je ne sais pas où j’étais passé mais je ne les ai jamais vus… J’ai croisé plusieurs troupeaux de chèvres dont un où on s’est regardé pendant de longues minutes. Le chemin n’était pas assez large pour se croiser et elles attendaient que je passe tout comme j’attendais qu’elles fassent de même. Elles ont finies par se décider et elles sont passer en file indienne, sans me rentrer dedans. Très polies, ces chèvres…
J’avais discuté également avec un Allemand. Contrairement à moi, il ne portait qu’un petit sac à dos et il marchait beaucoup plus vite. Dans la matinée, il m’avait dépassé 3 fois. La 1ère fois, ça ne me surprenait pas. En revanche pour le 2 et 3ème fois, j’étais étonné. Comment je pouvais le redépasser à la vitesse où il marchait et sans le voir ? Donc à un moment où on a été coincé tous les deux par des chèvres, j’en ai profité pour lui poser la question. En fait, il faisait des pauses et il s’éloignait hors de vue du chemin. Je le dépassais donc à ces moments là, vu que je ne faisais pas de pauses. De manières générales, quand je marche, je m’arrête rarement pour éviter de me couper les jambes. J’essaie de rester à la même vitesse générale pour avoir un rythme de pas relativement régulier. Avec mes intestins en mode open bar, c’était un poil plus compliqué mais je tenais le coup en serrant les fesses. D’ailleurs, petit spoil : j’ai tellement serré les fesses également à cause de mon vertige durant les 2 jours que j’ai dû plus les muscler que si j’avais passé 6 mois en salle de gym.
J’ai fait un arrêt vers 11 h 30 au teahorse guesthouse, 2ème point de repère important. C’était une auberge assez agréable avec une terrasse donnant sur la gorge. La vue n’était pas mal du tout. J’y ai retrouvé l’Allemand. On a mangé un bout ensemble, j’avais pris un bol de riz fris avec du porc mais je n’ai pas pu finir. Pas à cause de la quantité qui n’était pas énorme mais en partie à cause de mes boyaux et une autre à cause de mon vertige qui m’avait rendu nerveux. Les toilettes étaient à l’extérieur. C’était une rigole au dessus d’une pente en carrelage et la chasse d’eau était une casserole en plastique qu’on remplissait d’eau d’un gros bidon.
Après une pause d’environ 1 h, je reparti. Le soleil s’était levé depuis plusieurs heures mais il commençait à bien chauffer dans le début d’après midi. Le matin, j’étais parti en sweet + veste. Là, j’étais uniquement en T-shirt. J’ai même fini par avoir un mini coup de soleil sur la nuque. Après une marche sans problème particulier, je suis arrivé au Halfway guesthouse vers 15 h, l’auberge où j’avais prévu de passer la nuit. Je n’avais pas réservé mais elle était située à mi chemin de la randonnée (d’où son nom) et ils étaient habitués à accueillir les randonneurs donc ils avaient beaucoup de chambres. Le gars à l’accueil trouvait que j’avais marché vite de Quiatou vu mon heure d’arrivée. Il m’expliquait qu’habituellement, les gens arrivaient plutôt vers 17 – 18 h. Je lui ai répondu qu’ils ne partaient peut être pas non plus à 7 h du matin…
J’étais dans une chambre de 6 lits superposés avec salle de bain. Il y avait également toutes les affaires de toilettes à disposition : gel douche et serviettes mais aussi brosses à dent, dentifrice et peigne dans des sachets individuels. En clair, si on avait prévu de passer la nuit là, on pouvait faire la randonnée juste avec une bouteille d’eau. J’ai été rejoint plus tard par un Hollandais, un Français et un Chinois. Le Français faisait parti d’un groupe de 5 étudiants d’une vingtaine d’années avec quatre filles. Le Chinois, que j’appellerai Alf, parlait très bien anglais et on avait passé une bonne partie de la soirée à discuter. Ce n’était pas son vrai prénom, mais comme tu as pu le remarquer, dans tout le blog, j’évite généralement d’indiquer les noms des personnes que j’ai rencontrées. J’ai très peu discuté avec les Français ou le Hollandais. Ils étaient beaucoup plus jeunes que moi donc on avait pas forcément les mêmes sujets de discussion. Alf venait du sud de la Chine et s’installait à Lijiang pour sa fille de 6 ans qui ne supportait pas la pollution trop importante où ils étaient. Elle allait dans une école qui avait un partenariat avec les Etats Unis et qui enseignait l’anglais. Il en profitais pour apprendre en même temps. Il m’a montré plusieurs coins dans Lijiang et dans la région à voir. C’était lui qui m’avait conseillé Shuhe. On avait tellement sympathisé qu’il m’avait proposé de faire la fin de la randonnée ensemble et de me ramener ensuite à Lijiang en voiture. Il était venu à Quiatou avec la sienne. J’ai accepté. En dehors de ça, la soirée avait été compliquée. Mes problèmes de transits s’étaient un peu calmés grâce au coca mais ce n’était pas encore ça. De plus, je n’ai pas pu manger. J’avais toujours l’estomac noué nerveusement. J’ai même fini par vomir mon repas du midi dans la nuit. En entrant dans les détails, c’était à peine digéré. J’ai l’impression que mon estomac doit avoir un système de sauvegarde en mode ” Vous êtes stressés et les intestins ne sont pas en état de fonctionner correctement : passage de la nourriture bloquée. Veuillez réessayer ultérieurement.”. Il y avait une terrasse avec une dégagée sur la gorge et les montagnes donc j’ai voulu en profiter pour prendre des photos nocturnes. Il avait fait un temps magnifique dans la journée mais malheureusement, de gros nuages sont apparus en soirée et ont bouché le ciel étoilé. C’était mort pour les photos. Je m’étais débarrassé de mon monopode à Xi’an, j’ai décidé de laisser la rotule inutile à l’auberge.
Le lendemain, j’allais un peu mieux. J’ai cherché Alf mais je n’ai pas réussi à le trouver. Il était 9 h, j’ai supposé qu’il était parti plus tôt et j’ai repris ma route. Les nuages étaient restés et la journée s’était alterné entre averses et grisaille. Le chemin était assez tranquille dans l’ensemble, un peu de plat à flanc de montagne et le reste en descente. Ce fut assez rapide : en 1 h 30, j’avais atteint la Tina guesthouse qui marquait la fin de la randonnée. J’aurais pu faire toute la randonnée dans la journée de la veille, je serai arrivé vers 16 h 30 – 17 h. Mais dans tous les cas, il aurait fallu la 2ème journée pour descendre dans la gorge. Il avait un service de gardiennage des bagages, j’y ai donc laissé mon sac à dos. Curieusement, c’était gratuit. C’était basé sur la confiance, la pièce était ouverte à tout venant et on déposait ou on reprenait son sac comme on voulait. On comptais les uns sur les autres pour ne pas piquer les affaires des autres. Avant de repartir, je me suis pris un jus d’orange, histoire d’avoir un peu de sucre. J’ai été rejoint par le groupe de jeunes Français. Ils m’avaient rapporté la rotule que j’avais laissé exprès dans la chambre. Ils pensaient que je l’avais oublié/perdu. C’était très gentil de leur part (et inattendu !) mais ça ne m’arrangeait pas tant que ça. Je l’ai laissé plus tard, à un autre endroit.
Après cette courte pause, je suis donc descendu dans la gorge avec juste ma sacoche photo. De l’auberge, la plupart des touristes faisaient le tour dans le sens sud ouest – nord est. J’ai décidé de faire l’inverse. Non pas parce qu’il y avait beaucoup de personnes – la veille, j’avais croisé une famille de chinois, l’Allemand et un groupe de retraités et le matin, juste deux groupes qui allaient dans le sens opposé – mais surtout parce que je ne voulais pas faire comme tout le monde. La descente sud était à quelques centaines de mètres de l’auberge et il fallait passer un pont. Il était relativement large et j’ai pu passer sans voir le vide, ce qui était une bonne chose. L’accès était payante mais lorsque je suis arrivé, il n’y avait personne dans la petite maison qui gardait le chemin. Je suis donc passé. Quelques minutes plus tard et une bonne centaine de mètres plus bas, j’ai entendu quelqu’un qui criait derrière moi. En me retournant, j’ai vu une petite femme dévaler la pente en courant, visiblement à ma poursuite. Je l’ai attendu et c’était elle qui vendait les tickets d’accès. Pour 15 Y. Donc il y avait déjà une entrée à 45 Y pour accéder à la vallée en générale et à la randonnée et une entrée supplémentaire pour descendre dans la gorge. Je ne l’avais pas fait mais il y avait également le site du rocher où le tigre avait sauté qui était payant. Il était situé quelques kilomètres plus loin, au sud.
Dans la descente de chemin de pierre, j’ai atteint une échelle en métal d’une petite dizaine de hauteur. Je n’ai pas eu de gros problèmes pour la prendre mais je n’étais pas à l’aise. Quelques mètres plus loin, il y avait une petite cabane avec une vieille qui vendait de la boisson, des snacks et aussi du cannabis et tout les accessoires pour le fumer. En fait, le cannabis poussait naturellement dans la région et en été, on pouvait en trouver le long du chemin pendant la randonnée. La vieille en vendait pour donner du courage pour la randonnée ou la traversée de la gorge. Alors, pour en avoir déjà fumé, le cannabis n’est vraiment pas une bonne chose pour garder l’équilibre donc à moins d’être suicidaire, en consommer pendant la randonnée ou au fond de la gorge n’était vraiment pas une bonne idée. J’aurai pu en acheter un petit sachet pour après mais je prenais l’avion deux semaines plus tard donc je ne voulais pas prendre le moindre risque pour le passage des frontières. J’en avais déjà fumé à de rares occasion mais je n’avais jamais été un consommateur régulier donc même pour cette petite quantité, je ne l’aurai jamais fini avant de quitter la Chine. De plus, je n’allais pas gâcher une partie de mon budget pour ça. J’avais déjà les cigarettes. A côté de la cabane, il y avait une autre échelle qui montait quasiment à la verticale. C’était la “hard way” pour rejoindre la route, j’étais descendu par la “soft way” et déjà je n’avais pas été très à l’aise. J’ai enfin rejoint le fond à travers un chemin de rochers et de petites passerelles en planche de bois. En cours de descente, il y avait une autre cabane où un homme faisait payer à nouveau l’accès. Je lui ai montré mon ticket et il n’a pas insisté. Je commençais à trouver ça un peu agaçant. Au fond, il y avait un genre de passage en bois qui permettait d’atteindre le bord de l’eau. Le débit était assez impressionnant et le bois glissant. Le chemin longeait ensuite la rivière soit en bas, soit en remontant à flanc de paroi. Il y avait des passages assez étroits et relativement hauts qui m’avaient fait jouer les castagnettes. Je commençais à n’être pas très bien avec mon vertige.
Sur mon plan, j’avais vu qu’il y avait également une hard way et une soft way côté sud. Évidemment, je comptais prendre la soft way. Toujours d’après le plan, la soft way montait avant la hard way. Arrivé à une bifurcation, j’ai donc suivi le chemin qui montait. Un peu plus loin, je me suis retrouvé devant une échelle, qui n’était pas au niveau de la hard way côté nord certes, mais qui montait pas mal et assez raide. Je me suis dit que ce n’était pas le bon chemin, je suis retourné à la bifurcation et j’ai continué tout droit. Plus j’avançais moins le chemin était visible jusqu’à complètement disparaître. Je me suis retrouvé dans des broussailles et des bambous puis à un cul de sac. Il n’était plus possible de passer à moins soit d’avoir du matériel d’escalade, soit de sauter dans la rivière 30 mètres plus bas. Je me suis dit que finalement, l’échelle devait être la soft way que je n’avais rien vu avant. J’y suis donc retourné et j’ai réussi à grimper. Très difficilement, je n’en menais vraiment pas large. Le chemin après était très escarpé, glissant et étroit avec le vide à proximité avec juste une corde fatiguée en guide de garde fou. J’allais de moins en moins bien. Quelques dizaines de mètres plus loin, une 2ème échelle. A la verticale de la paroi sur une vingtaine de mètres de hauteurs. J’ai craqué. Je me suis assis et j’ai pleuré, littéralement. Vu qu’il m’étais impossible de grimper cette échelle, je me suis résolu à faire demi tour et remonter par le même chemin que j’avais pris pour descendre. Sauf qu’il fallait que je redescende la 1ère échelle. En serrant les fesses, j’ai réussi à rejoindre le fond (j’avais dis que je m’étais musclé le fessier).
En rebroussant chemin, j’ai rencontré un couple d’Allemands qui cherchaient aussi la soft way. Je leur ai expliqué que ce n’était clairement pas d’où je venais. Ils avaient aussi le même problème de GPS que moi : les pointeurs nous positionnaient de l’autre côté de la berge donc on ne pouvait pas savoir avec précision où on se trouvait par rapport au chemin théorique. A force de discuter, on était resté un petit moment au même endroit. Nous avons vu un groupe de Chinois surgir des rochers, littéralement à côté d’où on était. La soft way était là, invisible au dessus des rochers. Et il n’y avait absolument aucune indication. Le chemin avec les échelles était effectivement la hard way. Dans le groupe de Chinois, il y avait un couple d’une trentaine d’années et … Alf ! En fait, il n’était pas parti plus tôt comme je l’avais supposé mais il était en train de déjeuner quand je l’ai cherché. Vu qu’il y avait plusieurs salles, je ne l’avais pas trouvé. De son côté, en revenant à la chambre, il avait vu que j’étais parti et s’était dit qu’il me rattraperai. Du coup, on s’est connecté sur Wechat et il continué sa visite en sens sud – nord et moi ma remontée. Il avait aussi sympathisé avec le couple et leur avait aussi proposé de les ramener en voiture. Il était vraiment très gentil. J’ai fini ma montée tranquillement et peu avant de rejoindre la route, j’ai traversé quelques habitations. Une vieille en a surgi et s’est jeté sur moi en m’agrippant le bras. Elle voulaient absolument que je la paie pour passer. Je lui ai montré mon ticket en essayant de lui faire comprendre que j’avais déjà payé. Rien à faire ! “Money ! Money !”, elle ne me lâchait pas. J’ai du lui lâcher 10 Y pour ce que j’appelle un racket. Elle n’a fourni aucun justificatif ni de ticket d’entrée ou quoique ce soit de ce genre. Le couple d’Allemands qui était passé un peu avant (j’étais resté en arrière à discuter avec Alf), avait eu le même problème. Je les avait rejoint alors qu’ils attendaient la navette pour la Tina’s guesthouse. En creusant un peu, j’ai appris que cette vieille faisait systématiquement payer toutes les personnes qui descendaient mais il n’y avait aucun rapport avec l’entretien du site. Vu que c’était un passage obligatoire, c’était juste un moyen pour elle de faire payer un péage privé pour sa poche. Ce qui était interdit officiellement mais toléré par les autorités. J’en avais vraiment marre de cette mentalité touriste = portefeuille sur pattes. Par contre, il n’y avait pas de différences Chinois/étrangers. Juste touriste/local. J’ai rejoint l’auberge peu après 13 h. Alf n’avait pas fini son tour. J’ai récupéré mon sac et je me suis posé, mais je n’ai pas mangé. Les tripes allaient beaucoup mieux mais j’étais encore trop nerveux par les passages tendus dans la gorge.
Une navette pour Quiatou partait quotidiennement à 15 h et Alf comptait la prendre pour aller récupérer sa voiture. L’heure approchait et je ne le voyais toujours pas. 10 minutes avant le départ, je l’ai prévenu. Il est arrivé juste à temps en courant. Pendant qu’il faisait son aller retour, j’ai été rejoint par le couple de Chinois et on a pu discuter un bon moment. Ils s’étaient pris un plat à manger et moi un café. Ils m’ont expliqué pas mal de choses sur leur vie quotidienne et les problèmes qu’il y avait avec le gouvernement. Ils prenaient un risque en me parlant de ça, des chinois dans l’auberge aurait pu les entendre et les dénoncer. Ils ont parlé un peu plus librement dans la voiture avec Alf, notamment de la pollution et des problèmes sur l’agriculture. Par exemple, la télévision nationale disait que tel produit ou tel insecticide n’était pas dangereux mais sur le terrain, ils voyaient très bien les effets sur la santé et l’environnement. Il y avait donc une perte de confiance envers les informations qui étaient transmises. Ils enviaient notre système en France où la censure n’existait pas. J’ai un peu calmé leur ardeur en leur expliquant qu’en France, la censure existait bel et bien et que les informations étaient aussi biaisées mais que c’était plus subtil. Suivant le message que les journalistes voulaient transmettre ou selon certains enjeux financiers, les informations pouvaient être omises, incomplètes ou sorties de leur contexte, qu’il fallait systématiquement les croiser avec différentes sources. En revanche, l’avantage qu’on avait était que l’accès à ces sources n’étaient pas bloqués, la plupart du temps. On avait aussi discuté de notre système de protection sociale, du tarif des mutuelles et d’autres différences sociétales. C’était très intéressant, ils m’avaient appris beaucoup de choses sur leur vie. Arrivés à proximité de Lijiang, Alf nous avait proposé de faire un stop au lac Lashi mais le couple était crevé et préféraient y aller le lendemain. Bref, il nous a déposé à nos hôtels/auberge respectifs en fin d’après midi et j’ai passé ma 2ème soirée à Lijiang.
A travers le récit, tu as peut être eu l’impression que je n’ai pas vraiment apprécié ces deux jours de randonnées. Entre l’auberge fermée, mon problème de transit et mon vertige, j’avais pris un peu cher mais j’avais tout de même apprécié. Le trek était très agréable malgré les passages tendus et certaines vues étaient réellement impressionnantes. J’ai un peu moins aimé la descente dans la gorge mais surtout à cause de la mentalité touriste = pompe à fric. Je le referais jamais, on est d’accord, mais j’étais assez content de l’avoir vu. Le coup de l’échelle, c’était juste que j’avais pris le mauvais chemin mais ce genre de chose m’arrivait, m’arrive et m’arrivera très souvent. Mon sens de l’orientation est quasi inexistant.